Histoire du campus de Cronenbourg

Le contexte de l’après-guerre

L’organisation de la recherche en France après la Seconde Guerre mondiale ne se fit pas aisément, mais l’université de Strasbourg fut l’une des premières à mettre en place des relations entre les organismes. Elle signa une convention avec le CNRS dès 1952, concernant le Centre de recherches macromoléculaires (CRM), laboratoire propre du CNRS dirigé par Charles Sadron, et une seconde en 1956, concernant l’Institut de recherches nucléaires (IRN), laboratoire universitaire dirigé par Serge Gorodetzky. Ainsi, près de quinze ans avant la création des laboratoires associés, l’université de Strasbourg et le CNRS s’associaient autour de deux centres de recherches emblématiques des nouvelles problématiques scientifiques.

L’université de Strasbourg avait ceci de particulier que la recherche y avait été très développée, d’abord pendant l’annexion allemande de 1870 à 1918, puis par ceux qui avaient reconstitué l’université française en 1919.

Pendant la seconde guerre mondiale, les Nazis avaient construit un instrument qui fut fort convoité à la libération : un accélérateur de particules Cockcroft-Walton de 1,5 millions de volts, implanté dans l’enceinte des hospices civils- faculté de médecine, et mis en service en février 1944 par le physicien Rudolf Fleischmann pour produire des éléments radioactifs destinés à la médecine. C’est la présence de cet accélérateur, le plus puissant sur le sol français et quasiment l’unique en Europe, qui justifia la création de l’Institut de recherches nucléaires (IRN).

Naissance de l’Institut de recherches nucléaires

Le conseil d’administration comprenait trois membres du CNRS : Frédéric Joliot, Marguerite Perey et Émile Terroine. Le conseil du 23 janvier 1948 nomma le physicien Serge Gorodetzky à la tête du laboratoire.

L’IRN avait pour mission initiale d’organiser la recherche dans trois directions : la physique nucléaire, la chimie nucléaire et la biologie. Ces recherches devaient déboucher sur des applications médicales. Mais Serge Gorodetzky était un physicien intéressé par la recherche pure sur la structure nucléaire et non par la recherche appliquée.

Assez vite, l’Institut se scinda, pour des raisons qui ne furent pas toujours scientifiques, en plusieurs unités, qui devinrent des laboratoires différents essaimés dans la ville. En 1951, il y avait : le laboratoire du CNRS de Serge Gorodetzky, qui travaillait sur la structure des noyaux dans l’enceinte de l’hôpital, et deux laboratoires de faculté, le laboratoire de chimie nucléaire de Marguerite Perey dans le bâtiment de la rue Goethe, et le laboratoire de physique corpusculaire de Pierre Cüer, qui travaillait sur les émulsions nucléaires et les radiations ionisantes des plaques photographiques dans les locaux de l’Institut de physique, rue de l’Université.

De l’IRN au CRN

L’Institut prit de l’ampleur au fil des ans. Henri Longchambon, venu en 1952 inaugurer les nouveaux locaux du Centre de recherches macromoléculaires (CRM), proposa de prendre exemple sur ce centre pour lancer une opération nouvelle, conjointement avec l’université. Le CNRS était de plus en plus sollicité pour financer le fonctionnement de l’IRN et il souhaitait avoir une plus grande responsabilité dans sa gestion. Il signa donc une convention avec l’université en 1956 et proposa de prendre en charge la construction d’un nouvel accélérateur Van de Graaf de 6 millions de volts dans de nouveaux locaux. L’IRN prit alors le nom de Centre de recherches nucléaires (CRN) et emménagea dans la banlieue de Strasbourg, à Cronenbourg, au sein d’un grand complexe scientifique. Les différents laboratoires furent rassemblés et le dispositif fut complété par un département d’applications biologiques, confié à Jean-Henri Vivien. Ce nouveau centre fut inauguré le 20 mai 1960 par Louis Joxe, Ministre de l’éducation nationale, et Pierre Pflimlin, maire de Strasbourg.

En 1971, le CRN fut rattaché à l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (IN2P3) du CNRS et devint « laboratoire associé » par convention tacitement renouvelée tous les ans. Le Centre de recherches nucléaires nouvelle formule se constitua avec un directeur unique, mais il conserva les liens avec l’enseignement et la recherche universitaire. L’évolution de l’Institut décrivit donc une trajectoire qui alla de l’université vers le CNRS, dans une collaboration ininterrompue.

Source :
Les conventions entre le CNRS et l’université de Strasbourg : une expérience pionnière.
Françoise Olivier-Utard
DOI : 10.4000/histoire-cnrs.691


Marguerite Perey, découvreuse du Francium

Marguerite Perey, brillante scientifique ayant découvert le Francium en 1939, a fortement contribué à l’essor de la physique nucléaire à Strasbourg. Ancienne élève de Marie Curie et collègue de Hélène Joliot-Curie à l’Institut du Radium de Paris, elle est nommée en 1949 à la direction de la Chaire de chimie nucléaire de l’Université de Strasbourg. Elle soutient fortement le projet de Centre de recherches nucléaires (CRN) à Cronenbourg, qui devient réalité le 2 juillet 1955 par la signature d’une convention entre le CNRS et l’Université de Strasbourg. Elle y dirige le Département de chimie nucléaire, consécration de sa carrière puisqu’elle dispose alors de son propre laboratoire. Très affaiblie par les conséquences de son exposition aux rayonnements, elle quitte définitivement Strasbourg début 1960 et n’assiste pas le 20 mai à l’inauguration du CRN par Louis Joxe, ministre de l’Éducation nationale, et Pierre Pflimlin, maire de Strasbourg.

Le film « Marguerite Perey, découvreuse du Francium et première femme correspondante de l’Académie des Sciences » a été réalisé par Daniel Bour et Jean Trouchaud à l’occasion des 50 ans de l’IN2P3, avec le soutien du CNRS et de l’Institut Curie.