Parcours architecture et patrimoine scientifique


Introduction

Ce parcours a été conçu à l’occasion des 60 ans du campus CNRS de Cronenbourg dans le cadre d’un partenariat entre la délégation Alsace du CNRS, le Jardin des sciences de l’Université de Strasbourg (qui étudie, gère et valorise le patrimoine universitaire) et le 5e Lieu, service de la Ville de Strasbourg qui a pour mission de faire découvrir Strasbourg à travers le patrimoine, l’architecture et la vie culturelle.

Le campus a été crée en 1960, autour du Centre de recherche nucléaire. Au fil des décennies, laboratoires et équipements de recherche se ont progressivement implantés, modelant les espaces (et structurant le quartier). Aujourd’hui, plus de 1200 personnes réparties sur 25 ha y travaillent sur la physique, la chimie, l’environnement, les matériaux, les sciences de l’ingénieur…

Vue d’ensemble du campus de Cronenbourg dans les années 2010 


Un campus habituellement fermé au public

Le campus bénéficie dès le départ d’un accès contrôlé du fait de la sensibilité des sujets de recherche qu’il abrite, comme le nucléaire, qui mobilise des matériaux coûteux mais aussi potentiellement dangereux à la fois pour les scientifiques et les visiteurs. La confidentialité de certaines données utilisées ou produites dans ces locaux doivent par ailleurs être garanties.

Il s’agit d’une différence majeure avec les campus centraux où le public peut accéder librement en journée. Par ailleurs, ces derniers ont été pour l’essentiel conçus dans le cadre d’un projet d’ensemble, positionnant différents édifices dans un espace paysager, et, de façon explicite, en articulation avec un environnement urbain : ceux des quartiers d’habitation de la Neustadt et de l’Esplanade.


Le choix du site de Cronenbourg

Le 2 juillet 1956, une convention est conclue entre le CNRS et l’Université de Strasbourg afin de créer un nouveau laboratoire de recherche fondamentale : le Centre de Recherche Nucléaire, regroupant la physique nucléaire, la physique des hautes énergies et à la chimie et physique des rayonnements – jusque là dispersées –sur un site unique, situé à l’Est du quartier de Cronenbourg.

A cet emplacement, un champ de manœuvres militaires (« l’Exes ») s’était implanté durant la 2nde Guerre Mondiale. A partir de 1945, il accueille une cité d’urgence de baraquements afin de répondre aux problèmes du mal logement.

C’est sur une parcelle de ce terrain isolé, de près de 4 ha et situé à cheval sur les communes de Schiltigheim et de Strasbourg, que débute la construction des premiers bâtiments en 1957. Le Centre, qui dispose alors d’une surface de 16 500 m2 sera officiellement inauguré en 1960, en présence de Louis Joxe, ministre de l’Education nationale et de Pierre Pfimlin, maire de Strasbourg.

Photographie aérienne du Centre de Recherches Nucléaires, vers 1960.

Le site du CRN peu après sa construction : on distingue au premier plan des baraquements et à l’arrière plan, les champs, qui ne resteront pas longtemps vierges de constructions.

Au cours des dix années qui suivent, ont lieu des acquisitions foncières qui étendent le terrain jusqu’au périmètre actuel et permettent d’accueillir des effectifs et des activités sans cesse en développement. Le site passe ainsi de 7 à 25 ha.

Archives Nationales de France

Photographie aérienne de la Cité Nucléaire de Cronenbourg, 1968.

En 1961, le site du CRN s’agrandit de quelques ha au nord. En 1962, la préfecture du Bas-Rhin a réservé 80 ha de terrain ; le CNRS s’empresse de faire une série d’acquisitions foncières en prévision de l’extension du site et de ses équipements à l’est du terrain – le site passe de 7 à 25ha.

De 1962 à 1972, les chantiers de la future Cité nucléaire se succèdent. Finalement, plus de 2000 logements seront construit, faisant de cet ensemble un des plus importants de l’agglomération strasbourgeoise.

A partir de 1962, le reste de l‘ancien terrain militaire est utilisé par la ville pour la construction d’un grand ensemble dont le nom « Cité Nucléaire » découle du CRN implanté à proximité. Des populations diverses y habiteront, telles que les employés du CRN, des familles qui ont été délocalisées en raison de l’assainissement du centre ville, des rapatriés d’Algérie et des ménages intéressés par l’attractivité d’un quartier moderne en périphérie de la ville. 


Le bâtiment des services administratifs et « La vallée de stabilité »

Parmi les premiers construits en 1960, le bâtiment des Services Administratifs, siège actuel de la délégation régionale du CNRS, regroupe les services communs aux différents départements de recherches du CRN. Outre les bureaux de l’administration générale, il hébergeait le service médical, une bibliothèque, une cantine et un amphithéâtre. L’espace sans fenêtre, ménagé au deuxième étage de la façade, indique l’emplacement de cette salle de cour : il est dès l’origine destiné à accueillir une fresque. Celle-ci est réalisée en mosaïque de Briare – une manufacture spécialisée dans les émaux depuis le 19e siècle et situé près de Gien – et sa composition, abstraite, est une référence à la « carte des nucléides », une représentation simplifiée des éléments chimiques. Ce décor correspond certainement à ce qu’on appelle le 1% artistique du bâtiment : cette procédure, initiée dans les années 1950, vise à soutenir et promouvoir la création artistique française et implique l’obligation de décoration des constructions publiques, à hauteur d’ 1% du montant du coût prévisionnel des travaux.

Bâtiment des Services Communs du CRN en construction – 25 septembre 1959.

Le bâtiment des services administratifs en cours de construction. La partie aveugle de la façade, qui accueillera la fresque, correspond à l’emplacement de l’amphithéâtre (Photo Archives Nationales de France).

© Archives Nationales

Fresque La Vallée de la Stabilité, 2020

La fresque a été créée en 1960 par Julien Nussbaum et réalisée par l’Émaillerie Alsacienne, atelier Zebst à Oberbronn (une entreprise locale qui existe encore). Intitulée « la vallée de la stabilité », elle représente les nucléides selon leur nombre de neutrons et leur numéro atomique devant un fond constitués de motifs colorés abstraits.

La courbe à l’avant plan représente la Carte des Nucléides. Les formes abstraites colorées au deuxième plan sont interprétés par les usagers du CRN comme une référence aux 4 éléments ; ils renvoient aux principaux états de la matière (liquide, solide, gazeux, plasmatique) faisant ainsi référence aux recherches menées dans les laboratoires du CRN.

© Nicolas Busser, CNRS


L’organisation des premiers bâtiments du CRN


Le complexe du CRN doit permettre de concentrer les moyens et équipements, favoriser les contacts entre chercheurs tout en garantissant à chaque département son indépendance scientifique et leur liberté de gestion interne.

Le CRN comprend cinq départements dont les activités sont essentiellement orientées vers la recherche fondamentale : la physique nucléaire, la physique corpusculaire, et la chimie nucléaire – trois unités qui travaillaient à l’origine dans des laboratoires des facultés de Sciences, de médecine et de pharmacie, et deux autres départements sont des créations récentes du CRN : le Département des Applications biologiques et celui de Physique Nucléaire théorique.

Le plan d’ensemble a été conçu par le strasbourgeois François Herrenschmidt, architecte notamment des locaux de l’Eurométropole, place de l’Etoile, ou de la Maison Rouge place Kléber. Le système de barres, articulées perpendiculairement les unes aux autres permet d’accueillir chacun des départements, ménage des possibilités d’extension et relie ces différentes composantes entre elles tout en leur garantissant une zone indépendante dans l’espace.

Plan de masse du CRN. Avant-projet validé, mai 1956.

Plan d’ensemble des premiers bâtiments du CRN montrant le système de barres conçu par Herrenschmidt.

© Archives Nationales

Schéma d’une « cellule de recherche » pour les départements de Physique. Avant-projet, 1956.

La composition de chaque aile a été pensée par l’architecte autour de ce qu’il a défini comme une « cellule de recherche », à savoir l’unité de travail autonome, soit pour une équipe de chercheurs soit pour un appareil déterminé. Celle-ci comprend un local d’investigation mais aussi ses annexes : laverie, balances, bureau, ateliers où l’on fabrique et répare le matériel d’expérimentation, chambre noire, des lieux de stockage permettant d’isoler certains produits etc.

© Archives Nationales


Accélérateur de particules Cockroft-Walton – à l’origine du CRN

Implanté durant la Seconde Guerre mondiale au sein de l’Hôpital civil par le scientifique allemand Rudolf Fleischmann afin de produire des éléments radioactifs destinés à la médecine, l’accélérateur de particules Cockroft-Walton est très convoité à la Libération : c’est en effet le plus puissant sur le sol français, et quasiment l’unique en Europe. Sa présence a permis l’essor de la physique nucléaire à Strasbourg, dans un contexte où la physique est en pleine restructuration.

Désireuses de le remettre en service, les facultés de médecine, de sciences et de pharmacie se groupent pour créer l’Institut de recherches nucléaires en 1947, hébergé sur le campus historique. Il est confié à Serge Gorodetzky, physicien dont les objectifs s’éloignent des applications médicales pour se focaliser sur la recherche fondamentale sur la structure nucléaire.

Le déménagement de l’appareil, accompagné de la construction d’un autre accélérateur, dans de nouveaux locaux à Cronenbourg, a marqué le début de l’histoire des accélérateurs de particules à Strasbourg.

Accélérateur Cockroft-Walton à l’époque de son exploitation dans la tour qu’il occupait à Cronenbourg

© CNRS

Accélérateur Cockroft-Walton en 2020

Après la fin de son exploitation dans les années 1970, il a longtemps été stocké en cave en pièces détachées. Grâce à l’AMUSS (Association de Culture et Muséographie Scientifiques de Strasbourg) la portion supérieure de l’accélérateur (générateur de tension et partie accélératrice) a été remontée  en 1999, sous la direction d’un ingénieur du laboratoire et avec l’aide des techniciens retraités, de photos d’archives et de plans de montage. A la retraite depuis plusieurs dizaines d’années, il trône aujourd’hui sur la pelouse du bâtiment qui l’abritait initialement, la tour 26.

© Nicolas Busser, CNRS


Bâtiment 30   

Un accélérateur de particules est un instrument qui utilise des champs électriques ou magnétiques pour amener des particules chargées électriquement à des vitesses élevées. Il existe des accélérateurs linéaires et circulaires, selon la géométrie de la trajectoire de l’accélération.

Cet équipement illustre le paradoxe de la science de l’atome : plus on descend dans l’infiniment petit, et plus on a besoin d’outils gigantesques. Ce type d’appareil se développe dans le cadre de ce qu’on a appelé la « Big science » (nécessitant des budgets, des équipes et du matériel de taille importante). Il implique la construction d’édifices dont la forme est conditionnée par l’équipement scientifique – des tours dans le cas des accélérateurs verticaux.

Le bâtiment 30 abritait un accélérateur Van de Graaff vertical, Installé à Strasbourg en 1959 pour être mis à la disposition des cinq départements du CRN. Il est alors  le plus puissant des accélérateurs du centre avec 5,5 mégaélectron-volts. Le tube accélérateur est installé verticalement dans la tour et est relié à des lignes de faisceau horizontales, disposées en éventail, ce qui donne la forme particulière du bâtiment.

Photomontage : colonne accélératrice et aimant d’analyse, avant 1965

Photomontage montrant, à l’intérieur de la tour du bâtiment 30, le tube de l’accélérateur et l’aimant de déflexion installé à sa base

© Archives CNRS

Plan de la nouvelle salle des cibles construite en 1964.

Le passage du tube accélérateur aux lignes se fait grâce à un aimant de déflexion (déviation de la trajectoire d’une particule chargée) monté sur une tête rotative. Passer d’une ligne de faisceau à une autre est alors très rapide et facile, puisqu’il n’y a qu’à tourner l’aimant. L’aimant de déflexion dessert les différentes lignes de faisceau qui correspondent à différentes techniques d’analyses

© Archives CNRS


Fresque trajectoire dans une chambre à bulles 

Cette fresque a été réalisée pour le bâtiment de physique corpusculaire à partir d’une photo d’écran de collision de particules dans une chambre à bulles.

Les chambres à bulles sont des dispositifs de détection utilisés en physique des particules jusque dans les années 1980. Les particules chargées traversent un liquide maintenu dans des conditions de température et de pression très proches de l’ébullition, provoquant sur leur passage la formation de trainées de bulles qui permettent de visualiser leur trajectoire. Cette technique, pourtant déjà supplantée par les détecteurs électronique, a permis à Carlo Rubbia de mettre en évidence la trajectoire des muons de la collision entre protons et anti-protons (à droite), découverte qui lui a valu le prix Nobel en 1984. Il ne s’agit pas ici d’une réalisation s’intégrant dans le dispositif du 1% artistique : la composition a été conçue après la construction du bâtiment en 1989.

Fresque « Trajectoire dans une chambre à bulles

L’œuvre a été exécutée par M. Reiman, peintre en bâtiment travaillant aux services techniques du CRN dans les ateliers généraux.

© Nicolas Busser, CNRS


Ancien centre de calculs

Un centre de calcul est créé en 1967 pour faire face, 24h/24 et 7 jours/7 à la fois au besoin du CNRS et des universités. Il est hébergé dans ce bâtiment préexistant, banal de l’extérieur, construit pour des chercheurs en physique théorique. Ici, pas d’équipement scientifique particulier dans ces murs, d’où le côté très fonctionnel du bâtiment. Cet outil polyvalent et très puissant constitue l’un des 3 centres nationaux de calcul du CNRS. 2000 m2 sont mis à disposition pour accueillir un puissant calculateur IBM destiné à l’ensemble de la communauté scientifique régionale, et, plus largement, de l’Est de la France. L’objectif est donc d’optimiser, mutualiser les moyens. À noter que c’est également ici qu’a démarré la CAO, conception assistée par ordinateur, au CNRS. Actif jusqu’en 1993, le centre est également un nœud de communication qui permet d’accéder à l’ensemble des grands outils de calcul nationaux et d’atteindre plus de 2000 autres réseaux européens et nord-américains.

Ancien centre de calculs

Bâtiment 40, initialement construit pour la recherche en physique théorique. Il a abrité le centre de calculs pendant une vingtaine d’années.

© Nicolas Busser, CNRS


1965-2008 : l’extension du campus de Cronenbourg


Le CRN de Cronenbourg se développera rapidement : en 1964 – 5 ans après sa création – il regroupe déjà plus de 500 personnes, dont près de 200 chercheurs.

L’institution abrite de nombreux laboratoires de physique et chimie, 9 accélérateurs et des services généraux. Mais face à la volonté de construire de nouveaux équipements et à l’augmentation constante des effectifs, la place vient à manquer sur le campus.

Au milieu des 1960’s, une série d’acquisitions foncières permet d’élargir le terrain à l’est du CRN, passant ainsi de 7 à 25 ha – son périmètre actuel.

Le Centre d’Études Bioclimatiques (CEB) – 1ère phase d’extension du campus à l’est (1965-1968)

Dès les années 1940, la direction nationale du CNRS discute de l’utilité de la création d’un laboratoire de physiologie bioclimatique ayant pour but l’étude expérimentale chez l’humain des facteurs climatiques et de tous les autres éléments susceptibles d’influencer la vie. Ce n’est qu’au début des années 1960 que le projet aboutit ; la décentralisation est préconisée et le site de Cronenbourg est choisi. Ce choix fut motivé par le fait qu’à la Faculté de Médecine de Strasbourg se trouvait déjà un laboratoire de physiologie appliquée et par la possibilité de liens à la fois avec les industries locales et les chercheurs allemands.

L’espace sur le site historique du CRN étant insuffisant à la l’installation d’un nouveau laboratoire, le CNRS achète le vaste terrain contigu alors occupé par des labours et des vergers (commune de Schiltigheim). La construction des nouveaux bâtiments du Centre d’Études Bioclimatiques (CEB) – laboratoire propre du CRNS – débute dès 1965, isolés du CRN par de larges espaces verts qui sont destinés à termes à contenir le développement de la recherche sur le campus.

Les études architecturales et techniques de ce nouveau centre d’étude sont confiées à l’architecte J.H Calsat, qui conçoit un ensemble de trois bâtiments destinés à accueillir les quartiers d’expérimentations, les services communs et laboratoires ainsi qu’une centrale d’énergie. Aujourd’hui, les différentes fonctions du CEB sont regroupées dans un bâtiment unique, qui depuis 2003 accueille le Centre d’Investigation Neurocognitive et Neurophysiologiques (CI2N), unité mixte associant l’Université et le CNRS. Son objectif est de comprendre de quelle manière le cerveau humain sélectionne, intègre et mémorise les informations.

J.H Calsat, Élévation de la façade sud ouest du bâtiment des services communs et laboratoires du CEB, avant projet juillet 1964.

Les façades sont revêtues de caissons métalliques emboutis.

© Source : Archives Nationales

Plan de masse pour la construction du CEB sur le campus de Cronenbourg, avant projet juillet 1964

Plan de masse pour la construction du CEB sur le campus de Cronenbourg, avant projet juillet 1964.

© Archives Nationales


Le « Pôle Matériaux » – 2ème  phase d’extension du campus à l’est (1994-2008) :

A recherche en mouvement, patrimoine immobilier en évolution ! Dans les années 1990, le site de Cronenbourg connait une nouvelle étape dans son extension, suite à la décision de développer la recherche et la formation dans le domaine de la chimie et de la physique des matériaux. Cela entraine la création de 3 grandes unités de recherche et d’enseignement, qui vont fortement renouveler le paysage architectural du campus. Pour ce « nouveau programme », le CNRS – maitre d’ouvrage – met l’accent sur la fonctionnalité des bâtiments, qui doivent permettre de faciliter la communication entre les équipes de recherche et donc de favoriser l’interdisciplinarité. Aussi, on souhaite plus de sécurité et surtout de plus grandes surfaces afin de s’adapter aux exigences des équipements scientifiques. Enfin, dernière nouveauté par rapport aux anciennes constructions du CRN, la qualité de l’architecture et la relation entre les nouveaux bâtiments et leur environnement seront dorénavant pris en compte.

Vue aérienne du campus de Cronenbourg, après 2008. 


Le restaurant CROUS et son mur végétal (2014)

L’accroissement du site, l’implantation de nouveaux laboratoires et l’augmentation des effectifs qui l’accompagne, engage le CNRS en 1966 à construire un premier restaurant commun au centre du campus ; 600 déjeuners journaliers y sont alors distribués. Dans les années 1990, la capacité d’accueil du restaurant ne suffit plus. En effet, afin d’apporter une nouvelle notoriété scientifique internationale au campus de Cronenbourg, la décision est prise de développer la recherche, la formation et l’enseignement dans le domaine de la chimie et de la physique des matériaux, entrainant la création sur le site de grandes unités comme l’IPCMS (1994) et  l’ECPM (1999). Pour répondre à cette hausse rapide de fréquentation, la gestion des repas est confiée au CROUS en 1997 et un nouveau restaurant universitaire est élevé en 2003 (architectes TAO). L’arrivée de l’ICS sur le campus en 2008, imposera l’ouverture d’une nouvelle extension permettant de désengorger les deux premières salles.

Relier à l’ancien par un système de passerelles, le nouveau restaurant CROUS ouvre ses portes à la rentrée 2014. Sensibles au bilan énergétique du bâtiment, l’architecte Sébastien Muré et l’entreprise paysagiste Thierry Muller, habillent les parois exposées d’un mur végétal de 400m2 de surface. Cela crée une architecture colorée à l’épiderme irrégulier, qui contraste avec le bâtiment lisse et monochrome de l’ancien restaurant. La reprise d’une construction sur pilotis métalliques, assure cependant la continuité entre les deux bâtiments. Outre son aspect esthétique avec une palette de textures et de couleurs changeantes selon les saisons, la façade végétalisée est conçue pour favoriser la thermie et l’isolation phonique du bâtiment. Elle constitue pour les chercheurs, le personnel et les étudiants, un décor vert qui procure une sensation de fraicheur, dépollue l’air ambiant et valorise le cadre de travail.

Extension du restaurant Crous en 2015

Le mur végétal en façade est planté de 8.500 plants, soit 99 variétés, dont la palette choisie par le paysagiste est adaptée aux grandes amplitudes climatiques de la région.

Thierry Muller paysage

© Nicolas Busser, CNRS

Mur végétal – détail

Un bardage composé de bacs métalliques à irrigation automatique, accueille les paniers de végétalisation remplis de substrats isolant dans lesquels sont plantées les différentes espèces végétales.

Thierry Muller paysage

© Nicolas Busser, CNRS


ICS – Institut Charles Sadron (2008)

Le milieu du 20e siècle voit l’essor de l’industrie du pétrole avec l’apparition de matières plastiques qui sont des polymères, c’est-à-dire constitués de macromolécules. S’intéressant à ce nouveau domaine de recherche, le physicien Charles Sadron (1902-1993) créé en 1947 à Strasbourg le Centre d’Études de la Physique des Macromolécules (CEPM), premier laboratoire propre du CNRS. Charles Sadron y met en œuvre sa propre vision de la recherche basée sur l’interdisciplinarité en regroupant chimistes, physiciens et biologistes au sein d’un même laboratoire, et en y développant les relations science-industries. En hommage à son fondateur, le laboratoire est baptisé Institut Charles Sadron (ICS) en 1985.

A l’aube du XXIe siècle, les anciens locaux de l’ICS rue Boussingault, trop vétuste et exigus, ne permettent pas d’y implanter les équipements de plus en plus sophistiqués que nécessitent les développements de la recherche sur les polymères. En 2008, l’institut déménage dans de nouveaux locaux implantés sur le campus de Cronenbourg, à proximité directe de l’ECPM et de l’IPCMS dont les thématiques de recherche sont communes.

Conçu par l’architecte R.P Ortiz (AEA Architectes), le nouveau bâtiment de l’ICS s’inscrit dans la continuité de la trame bâtie existante. Suivant un plan à « double peigne », il s’articule autour d’une rue intérieure vitrée – pensée comme un lieu de rencontre et d’échanges – d’où s’échappent de part et d’autres six avancées perpendiculaires. Au nord, deux barres transversales abritent les laboratoires évitant ainsi leur surexposition. Au sud, les bureaux s’organisent en correspondance des espaces de recherche dans une série de quatre plots en saillis, derrière une façade « double peau » ventilée qui favorise l’équilibre thermique et acoustique du bâtiment. La linéarité de l’ensemble est adoucit par la forme courbe de l’amphithéâtre, qui par son traitement en béton brut contraste avec l’habillage coloré des façades exposées.

René-Pierre Ortiz, projet de construction de l’Institut Charles Sadron sur le campus de Cronenbourg (détail), 2002.

© Archives de l’ICS

Institut Charles Sadron en 2020

© Nicolas Busser, CNRS


IPCMS – Institut de Physique et Chimie des Matériaux (1994)

L’Institut de Physique et Chimie des Matériaux (IPCMS) est né d’une réflexion initiée au début des années 1980 sur le besoin de coordonner les recherches en physique et en chimie relatives à l’étude des propriétés de la matière et des matériaux. A l’origine, les 5 groupes de recherche qui composent l’IPCMS étaient dispersés sur plusieurs sites à travers la ville. En 1994, un regroupement géographique s’opère et  l’institut s’installe dans ses nouveaux locaux sur le campus de Cronenbourg. L’effet campus est stimulant, cohérent du fait du regroupement de la thématique matériaux sur un même site et pratique en matière d’équipements.

Habillé d’un bardage couleur cuivre, de pare-soleil filants en aluminium et coiffé de cheminées en inox, le nouveau bâtiment de l’IPCMS présente une  architecture à caractère industriel en contraste avec la sévérité architecturale de l’ancien CRN. Long et monolithe, le bâtiment principal sur 3 niveaux accueille les bureaux et laboratoires de physique et chimie. L’architecte parisien J.P. Pargade, propose une organisation interne sectorisé par « maison de recherche » entre lesquels des axes de communication sont ménagers. A l’est, une construction sur un niveau répond en parallèle au bâtiment principal. Elle abrite les laboratoires lourds et les services techniques dont l’ensemble est desservi par une rue intérieure en contrebas, facilitant ainsi l’accès et les livraisons. Ce bâtiment technique sert de rampe d’accès à la jetée, surplombée d’un auvent vitré dont la structure métallique rompt avec les lignes droites de l’ensemble.

En ce qui concerne les « sciences exactes », les bâtiments à usage de laboratoires réalisés par le CNRS sont généralement des bâtiments complexes. Au-delà du travail architectural se posent des problèmes d’ordre technique, de fonctionnalité des laboratoires, de communication entre les équipes de recherche, mais aussi d’accueil à offrir aux usagers.

Jean-Philippe Pargade, Maquette du projet de l’IPCMS sur le campus de Cronenbourg, 1990.

© Archives du CNRS

L’IPCMS aujourd’hui

© Nicolas Busser


ECPM – École Européenne de Chimie, Polymères et Matériaux (1997-1999)

L’extrémité Est du campus de Cronenbourg est depuis 1999 occupée par les différents bâtiments de l’École Européenne de Chimie, Polymère et Matériaux (ECPM), créée en 1995 sous l’impulsion du professeur J.C. Bernier. Implanté l’ECPM sur le campus de Cronenbourg, émanait d’une volonté de rapprocher géographiquement le monde de la recherche et celui de l’enseignement supérieur, en créant des laboratoires mixtes CNRS-Université. La formation au sein de l’école doit se faire au travers de la recherche, du développement et de l’innovation ; pour cela, l’ECPM est adossé à 5 unités de recherche associées, relevant des domaines de la chimie, des polymères et des matériaux, toutes installées dans l’enceinte de l’école ou dans les instituts annexes à proximité directe.

Malgré sa vaste superficie (plus de 20.000 m2) le programme réalisé par les architectes Spitz et Jemming, revêt une harmonie architecturale dans son traitement extérieur. L’emploi massif du béton apparent sous des formes décoratives diverses, créer un trait d’union entre les 5 bâtiments qui composent l’école. Afin d’apporter du dynamisme et de la variété à l’ensemble, chacun des bâtiments est traité de façon distincte – et donc reconnaissable – dans l’expression des masses et dans la répartition des pleins et des vides. L’ensemble a été conçu pour assurer une bonne communication entre les différentes unités, par la mise en place de galeries et de passerelles permettant de passer d’un bâtiment à l’autre sans rupture visuelle.

Des réflexions relatives au confort thermique, à la gestion de l’énergie, au choix de matériaux peu polluants et au confort visuel ont guidées les architectes dans la conception du programme ; c’est pourquoi l’ensemble des bâtiments de l’école répondent à la certification HQE (Haute Qualité Environnementale).

Plan de masse des bâtiments de l’ECPM

Extrait de l’article « Une école en harmonie avec la nature » in Construction Moderne, n°103, 2000.


Pile Nucléaire universitaire (1966-2009)

En 1966, la recherche en chimie et physique nucléaire à Strasbourg se dote d’un équipement universitaire alors unique en France : un réacteur nucléaire de recherche de type Argonaut, implanté au centre du campus de Cronenbourg. Cet équipement était initialement destiné au Centre de recherche nucléaire d’Alger (CRNA), mais l’indépendance de l’Algérie en 1962 a changé la donne. Mise en service pour répondre aux besoins de la recherche fondamentale, la Pile Nucléaire – composante de l’Université Louis Pasteur – fut utilisée jusqu’à son arrêt définitif en 1997, pour la réalisation d’irradiations expérimentales et la production de radio-isotopes à vie courte. Le réacteur de la Pile est définitivement mis à l’arrêt en 1997 puis démantelé à partir de 2007. Le bâtiment de la pile est définitivement démoli en 2018, laissant la place à une large esplanade végétalisée qui aujourd’hui fait le lien entre le site historique du CRN et les récentes constructions du Pôle Matériaux.

Texte : Delphine Issenmann et Louise Flouquet